Ombrelles

Elles passent de l’ombre à la lumière

Woman fighting against harassment with closed eyes

Déni des violences sexuelles : quelle ampleur ?

Tout le monde s’est déjà interrogé sur les conséquences d’une agression. Dans notre société contemporaine, les violences sont multiples. Certaines d’entre elles sont taboues. C’est le cas des violences sexuelles. Il y a encore quelques années, il ne fallait les évoquer sous aucun prétexte. Cette époque est désormais révolue !

Par Julie Kunzli, juriste

Tout le monde s’est déjà interrogé sur les conséquences d’une agression. Dans notre société contemporaine, les violences sont multiples. Certaines d’entre elles sont taboues. C’est le cas des violences sexuelles. Il y a encore quelques années, il ne fallait les évoquer sous aucun prétexte. Cette époque est désormais révolue ! Chacun d’entre nous doit être conscient que leur existence n’est pas un mythe. Elles peuvent s’exercer n’importe où et sur n’importe qui. Au cœur de telles violences, le déni. L’abus sexuel sur l’enfant ne doit pas engendrer le déni des adultes. Le viol conjugal, celui de la famille. Souvent, le silence lie la victime à l’agresseur. Le déni fait son œuvre. Dans de rares cas, un procès se tient. C’est là qu’on constate l’ampleur du problème. Le déni des violences sexuelles est unanime : c’est toute la société qui est touchée.

Le déni de l’auteur des faits

Divers professionnels ont affaire aux coupables d’abus sexuel, parfois en situation de récidive. Cela a été mon cas. Au volant de ma citadine, j’ai vogué de centre pénitentiaire en centre pénitentiaire. J’ai initié les suivis d’une trentaine d’individus mis en cause pour des faits de violences conjugales et/ou sexuelles. Jeune, âgé, roux, brun, issu d’un milieu favorisé ou précaire, il n’existe pas de profil type. Pour autant, en dépit de situations aussi variées qu’opposées, se dessinent quelques similitudes.

Dans certains cas, l’agresseur reconnaît immédiatement les faits qui lui sont reprochés. De mon expérience, ce n’est pas l’issue la plus fréquente. On observe chez l’auteur de violences sexuelles une propension à la minimisation des faits : « Ce n’est pas exactement comme ça que ça s’est passé », « Je ne l’ai pas frappée si fort ».

Outre la tendance de l’agresseur à minimiser les actes qu’il a commis, déni et violences sexuelles vont souvent de pair : « Je ne suis pas coupable ! », « Je n’ai rien fait ! ». Aux yeux du mis en cause, l’acte dont il est accusé, et par extension les conséquences de l’agression pour la victime, sont illusoires. Il s’agit d’une forme de déni très courante.

On remarque également que l’intention s’avère sujette au déni. Alors, les mots n’ont plus de sens. Dans l’esprit du délinquant sexuel, commettre un viol ou une agression sexuelle ne se définit pas de la manière commune. Ce dernier ne voit pas son acte comme vous et moi, comme s’il s’agissait simplement d’une mauvaise lecture de la situation de notre part.

La victime d’abus sexuel en proie au déni

Au cours de ma carrière, j’ai également exercé auprès de victimes d’abus sexuel. Tenter d’assister les victimes n’est pas de tout repos. Je dis bien « tenter » car je me suis souvent sentie démunie face à leur détresse. Pourquoi ? Parce que je n’avais pas toujours les moyens matériels pour leur assurer une prise en charge digne de ce nom. Toutefois, à leurs côtés, j’ai beaucoup appris. En tant que professionnel, en tant qu’être humain, et en tant que citoyen.

Entre traumatisme et souvenirs refoulés, la victime réalise en réalité le parcours du combattant jusqu’au dépôt de plainte. À un moment ou à un autre, chacune passe par une phase de déni. Ce ressort psychologique est un mécanisme de défense. Je dirais même un moyen de survivre. Le déni des violences sexuelles protège la victime, terre l’évènement traumatisant tant la douleur s’avère insupportable.

Alors, comment savoir si on a été victime d’attouchement ou de viol ? Je ne pense pas qu’il y ait de réponse exacte. En tout cas, auprès des victimes, j’ai pu remarquer que le traumatisme finit toujours par ressurgir. 

L’affronter est une chose, mais être confronté au déni familial en est une autre. Il prive l’individu du soutien dont il a nécessairement besoin. L’événement traumatique brise la sérénité de la famille. Il la fragmente, impacte tous ses membres, qui sont en vérité les victimes par ricochet de ce drame. Le refus d’écouter l’autre, de voir la vérité en face, constitue une énième épreuve à surmonter pour la victime.

Le déni des violences sexuelles au cœur de notre société

Les violences sexuelles, à qui la faute ? A nous tous ! Notre belle société ferme les yeux, justifie des actes injustifiables. Depuis trop longtemps, nous banalisons l’abus sexuel. A ce jour, nous sommes confrontés à un grave déni de réalité. Nos mœurs sont imprégnées de la culture du viol : « Elle l’a bien cherchée, tu as vu comment elle est habillée ? », « C’est un mec, il n’a pas pu se faire violer ! ». Qui n’a jamais entendu ce genre de discours ?

Les femmes sont jugées, les hommes moqués. Le déni des violences sexuelles a encore de beaux jours devant lui ! En revanche, il faut admettre que les consciences commencent à s’éveiller. Désormais, les entreprises prennent au sérieux les cas de harcèlement sexuel au travail. Le grand public s’informe, digère, découvre une vérité qui lui était jusqu’alors inconnue. Ces dernières années, de nombreux mouvements contestataires ont vu le jour sur la toile. Pour ne citer que les plus connus :

  • #metoo ;
  • #balancetonporc ;
  • stop au déni.

Les gouvernements, notamment français et belge, mettent désormais un point d’honneur à assurer la prévention du grand public. La justice, quant à elle, délie les langues. Elle tend à faire connaître les violences sexuelles à travers le monde. Quelques affaires hautement médiatisées y ont également contribué :

  • le procès de DSK ;
  • le procès d’Harvey Weinstein ;
  • l’affaire Gabriel Matzneff.

En dépit d’une mise en évidence sur la scène médiatique, il demeure indispensable de continuer à sensibiliser les générations actuelles et futures. Quel meilleur moyen que l’art pour y parvenir ? Des œuvres cinématographiques, telles le film Trust de David Schwimmer ou Terrain de Chasse de Kirby Dick, marquent. Aussi, les écrivains dénoncent les violences sexuelles à travers leurs ouvrages, à l’instar de Vanessa Springora et son ouvrage Le Consentement qui a remué la communauté littéraire et au-delà. De l’autre côté de l’Atlantique, l’américaine Amy Reed s’adresse aux adolescents ainsi qu’aux jeunes adultes avec brio, dans son roman Nous les Filles de Nulle Part. Elle expose au grand jour les conséquences de l’abus sexuel et met à nu les notions de consentement et de contrainte.

Aujourd’hui, nous sommes en 2021 et le déni des violences sexuelles est toujours bien ancré dans notre société. Il est grand temps de faire évoluer les mentalités. Cessons de nier et évoluons !

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