Par Mike AHAMED
Vous pensez être victime de harcèlement sexuel au travail ? Malheureusement, vous n’êtes pas la seule. Une femme active sur cinq est concernée[1] et peu d’actions sont véritablement mises en place pour lutter contre ce fléau. En 2014, une enquête de l’IFOP a révélé que la proportion d’employeurs qui s’en préoccupe est faible (18 %). Nous sommes en 2021 et l’explosion du mouvement #MeToo tend à montrer que le problème est toujours d’actualité. Pourtant, les entreprises sont légalement responsables de la santé et de la sécurité de leurs salariés au quotidien. Que faire alors ? Renoncer ? Absolument pas. Si vous êtes victime de harcèlement, vous devez agir. Voici quelques éléments qui vous aideront à sortir de cette spirale infernale…
Suis-je victime de harcèlement sexuel au travail ?
Vous êtes l’objet de propos ou de gestes à connotations sexuelles de la part de vos collègues ? Votre supérieur hiérarchique vous met-il la pression dans le but d’obtenir une faveur sexuelle ? Alors, selon l’article L1153-1 du Code du travail, vous êtes une victime. Le harcèlement sexuel en entreprise est un sujet délicat que beaucoup de dirigeants aimeraient cacher sous le tapis. Les victimes, souvent honteuses, aussi. En effet, parmi les femmes actives qui ont subi un harcèlement, près d’un tiers le gardent pour elles. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce chiffre :
- le fait de ne pas savoir à qui se fier ;
- la peur des conséquences sur l’évolution de carrière ;
- la crainte de perdre leur poste.
Vous faites partie des 30 % de personnes qui se murent dans le silence ? Je vous le concède, évoquer le harcèlement sexuel est douloureux. Cependant, ne rien dire est encore pire. Commencez par vous livrer à quelqu’un de confiance, celui qui ne vous jugera pas et qui restera bienveillant envers vous : une amie ou un membre de votre famille par exemple. Dans le cadre professionnel, avez-vous un ou plusieurs collègues dont vous êtes proches ? Alors, n’hésitez pas à vous confier à eux. Ces derniers seront d’autant plus un atout, car ils pourront témoigner en votre faveur si besoin. Le tout est d’éviter à tout prix l’isolement, d’avoir un point de vue extérieur et fiable de votre situation.
Dans le cas contraire, le harceleur sera plus à même de vous manipuler, en déformant la réalité. Par exemple, en relativisant ses actes : « Oh ! C’est juste une blague » ou pire en vous culpabilisant : « Tu dramatises tout » ou encore le célèbre : « On ne peut plus rien dire aujourd’hui ». Par peur ou lassitude, vous pourriez minimiser les choses, quitte à prendre sur vous, même si cela se fait au détriment de votre santé. Parler à vos proches vous donnera le courage d’agir pour mettre fin à votre harcèlement. Pour cela, vous aurez à votre disposition tout un arsenal législatif qui doit vous protéger, vous permettre de faire face à votre harceleur et de le sanctionner.
Comment me défendre face au harcèlement ?
Alertez votre entreprise
Légalement, votre entreprise (la direction, les délégués du personnel, les syndicats, le service des ressources humaines…) est tenue de vous accompagner et de vous soutenir en cas de harcèlement. Il a l’obligation de prévenir les comportements de harcèlement sexuel et de sensibiliser les différents acteurs au sein de sa structure. De plus, votre employeur doit ouvrir une enquête si vous lui signalez de tels agissements. Alerter votre supérieur est donc primordial si vous voulez mettre un terme aux pratiques de votre ou vos harceleurs. Il existe d’ailleurs dans certaines sociétés des protocoles mis en place, ainsi qu’une cellule d’écoute pour les victimes. Malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes les organisations. En effet, si vous évoluez dans les 80 % d’entreprises qui ne font rien contre le harcèlement sexuel au travail (parfois par manque de moyens, souvent par manque de volonté), il est certainement difficile pour vous de faire confiance au système.
Des dizaines de questions doivent vous traverser l’esprit : est-ce que l’on va me croire ? Est-ce que mes collègues ne vont pas me regarder différemment ? Vais-je perdre mon emploi ? Vos interrogations sont légitimes, mais vous devez mettre en sourdine cette petite voix dans votre tête qui vous murmure qu’agir ne servira à rien. Bien sûr, ce ne sera pas simple, mais vous devez placer toutes les chances de votre côté en alertant vos supérieurs. Malgré tout, si vous doutez de votre employeur et de sa capacité à jouer son rôle de protecteur, vous avez la possibilité de passer par d’autres voies.
Faites appel aux services de l’État
Seulement 1 femme active sur 10, victimes de harcèlement sexuel fait appel au médecin du travail et de prévention (enquête réalisée par l’IFOP). Pourtant, celui-ci peut jouer un rôle décisif dans votre situation. Comment ? En prenant le relais de votre employeur si vous l’estimez défaillant. Totalement indépendant dans le cadre de sa mission, il est chargé de la surveillance médicale des salariés. Il peut agir en milieu professionnel pour prévenir toute dégradation de la santé physique et psychique d’un employé par rapport à ses conditions de travail. Non seulement vous pouvez le consulter de manière tout à fait anonyme, mais il est de surcroît couvert par le secret médical. Plus qu’un médecin, c’est une oreille bienveillante qui saura vous accompagner, vous écouter et vous aider à vous déculpabiliser. Il peut également procéder à un examen clinique physique, mental, voire social, en urgence. En effet, les conséquences d’un harcèlement sur votre santé ne doivent pas être prises à la légère. Au-delà de l’aspect médical, il peut vous épauler dans vos démarches :
- en proposant une mutation ou une mobilité au sein de la société ;
- en se rendant dans l’entreprise pour analyser la situation dans laquelle vous vous trouvez ;
- en s’entretenant avec vos supérieurs ou vos employeurs et les mettre face à leur responsabilité aussi bien civile que pénale.
Sollicitez toute l’aide possible et n’hésitez pas à vous tourner également vers les associations féministes. Que vous soyez françaises ou non, celles-ci pourront vous faire bénéficier de leur expérience, de leur expertise, en plus d’un soutien moral. En voici quelques exemples :
- La Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (FNCIDFF). Une organisation française qui combat les discriminations sexistes et promeut l’égalité entre les femmes et les hommes.
- La Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF). Une ONG de plaidoyer qui anime un réseau de près de soixante-dix associations pour l’égalité et les droits des femmes en France, en Europe et à l’international.
- La Fondation des femmes qui lutte contre les violences et pour l’égalité femmes hommes.
Puis-je porter plainte contre mon harceleur ?
Dans le cas de harcèlement sexuel au travail, la parole de la femme est souvent mise en doute et prouver que l’on est une victime est difficile, mais pas impossible. Si vous êtes en France et que vous souhaitez porter plainte et réclamer justice, vous pouvez commencer par vous faire accompagner gratuitement par le Défenseur des droits, institution qui agit pour la défense et la promotion de nos droits, notamment si l’on est l’objet de discrimination. En plus de cela, n’hésitez pas à rassembler des éléments qui appuieront votre plainte :
- en tenant un carnet ou en réalisant un compte-rendu détaillé de tous les faits qui vous paraissent pertinents dans la constitution de votre défense (remarques, gestes déplacés, blagues) ;
- en recueillant des éléments de preuve (SMS, lettre, e-mail, témoignages de vos collègues) ;
- en dénonçant les agissements de votre harceleur à votre employeur (voir ci-dessus).
Assurez-vous que votre dossier soit solide, car si vous présentez votre plainte devant les juridictions pénales, ce n’est pas à la personne mise en cause de prouver son innocence, mais à vous de démontrer sa culpabilité. À l’inverse, dans les instances civiles et administratives c’est à l’accusé de justifier que les faits qui lui sont reprochés n’ont rien à voir avec du harcèlement. Ce principe permet de simplifier l’établissement de la preuve pour les victimes qui doivent uniquement réunir des éléments déterminant une présomption de discrimination. Sachez qu’un individu qui commet des actes relevant du harcèlement sexuel encourt jusqu’à 45 000 euros d’amende et trois ans de prison (l’article 222-33).
S’exposer de cette manière, pour ce motif ayant attrait à votre intégrité physique, n’est pas facile. Cependant, retenez une chose : vous ne vous en sortirez pas seule. Alors, demandez et acceptez l’aide de ceux qui veulent vous soutenir et vous accompagner dans ce moment difficile.
[1] Enquête de l’IFOP de 2014