Ombrelles

Elles passent de l’ombre à la lumière

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Les placements abusifs en France : un fléau encore trop tu

Placer des enfants en foyers ou en familles d’accueil est un acte protecteur. Les « placements abusifs », ou « retraits injustifiés d’enfants de leur famille », concernent des enfants considérés en danger alors qu’ils ne le sont pas réellement. Ils se retrouvent ainsi arrachés à leur famille, sans même que celle-ci soit vraiment entendue. Et prennent la place de ceux qui devraient avoir lieu. Ce phénomène, grandissant en France, représente un réel problème de société, laissant des familles déchirées par ce qu’on pourrait qualifier de kidnappings légaux. Retour sur l’emballement d’un système paradoxal qui, pour mieux protéger, finit par détruire des familles.

En effet, la notion d’enfant « maltraité » qui existait dans le Code civil s’est transformée en notion d’enfant « en danger ». Or, s’il est déjà fort complexe de définir exactement la maltraitance, la notion de danger s’avère encore plus floue.

Le témoignage d’une ancienne professionnelle de l’ASE

Une ancienne professionnelle de l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance), qui a tenu cinq ans pas plus, témoigne. Elle se rappelle avoir du arracher physiquement une petite fille en larmes à sa mère pour l’emmener avec elle dans sa voiture. L’enfant ne comprenait pas pourquoi on la privait d’un seul coup du lien si fort qui l’unissait à sa mère. L’ancienne professionnelle le dit elle-même : ce jour-là, le service a fait beaucoup plus de mal que de bien à cette famille. L’institution est sous pression. Elle n’a pas le temps de traiter les dossiers, et conduit à placer abusivement les enfants. Les employées voient très peu les situations, souvent traitées à la volée. En effet, les rapports sont souvent exagérés pour arriver à des fins de placement. Dans beaucoup de situations, les professionnelles interviennent trop vite.

Des motifs de séparations souvent anecdotiques 

Parmi les placements, 20 % sont prononcés pour cause de maltraitance ou de violences sexuelles. Malheureusement, la très grande majorité reste corrélée à des carences éducatives et, plus largement, aux conséquences de la situation précaire des familles.

Quand on sait que 160 000 enfants par an sont victimes d’inceste ou de violences sexuelles, le plus souvent au sein de la sphère familiale, certains placements sont d’autant plus abusifs. C’est un fait. N’importe qui (un voisin, une école) a la possibilité de faire une « information préoccupante », même anonymement. L’enfant peut se trouver du jour au lendemain retiré à son parent protecteur et placé dans un foyer. Pour des mois, voire, dans certains cas, des années.

Par ailleurs, des placements sont réalisés pour des motifs qui n’ont rien à voir avec un réel danger pour l’enfant. En tête de liste, le conflit conjugal. Si un divorce ne se passe pas bien, certaines familles risquent de se retrouver confrontées à un Juge des enfants. Ce dernier est le seul à pouvoir exercer un potentiel placement après des mesures éducatives. De ce fait, des enfants dont les parents divorcent, déjà en perte de repères, se retrouvent du jour au lendemain éloignés de leurs parents. Beaucoup d’enfants sont également placés car leur relation à leur mère le plus souvent, serait jugée « trop fusionnelle ».

Les services sociaux pointent un « syndrome d’aliénation parentale ». On diabolise aussi des mères protectrices qui, après un divorce avec un mari violent, s’inquiètent pour leurs enfants. Il n’est pas rare qu’on leur assigne un comportement menteur si ces enfants présentent des signes inquiétants et qu’elles viennent à les dénoncer. Des mères protectrices se retrouvent donc accusées de manipuler la parole de leurs enfants, alors qu’elles veulent en réalité les sauver et les protéger.

Des familles déchirées par les placements abusifs

La rapidité et la violence de certains placements peuvent véritablement détruire des enfants. Ces derniers se retrouvent du jour au lendemain séparés de leurs parents. Alors qu’eux-mêmes n’en ont jamais ressenti le besoin. La séparation forcée peut durer jusqu’à plusieurs années. De plus, elle bafoue le droit des enfants de vivre avec leurs parents, et doit être combattue autant que possible. 

La justice est humaine, elle peut bien-sûr se tromper et être manipulée. Mais ses erreurs lourdes de conséquences peuvent parfois être fatales. L’enjeu du combat contre les placements abusifs est majeur. En effet, un enfant arraché à une famille bienveillante perdra tous ses repères, se mettra souvent en échec scolaire, tombera probablement en dépression… Ses parents, eux, seront privés de le voir grandir sans mériter un tel sort. Les mamans et les pères qui se battent pour récupérer leurs enfants ont trouvé un nom pour désigner cette triste action : le désenfantement.

En cause, des enjeux financiers

Les services sociaux sont malheureusement la cheville ouvrière d’un système trop souvent lucratif. Les foyers doivent être rentabilisés. Aussi, il faut bien faire vivre tout le secteur social qui compte des centaines de milliers de travailleurs. En cause, un conflit d’intérêt avec des enjeux financiers qui ne devraient pas exister dans un secteur comme celui de la protection des enfants.

Les juges, traitant des centaines de dossiers, font une confiance aveugle aux rapports sociaux. Ils peuvent dont tout affirmer sans avoir à le prouver (contestant même des rapports d’experts médicaux). En face, la famille injustement accusée devra se battre de façon phénoménale pour nier des accusations très souvent sans fondements. Ajoutons une autre cause, l’idée d’une famille « étatisée ». C’est-à-dire d’un contrôle de plus en plus grand des familles, allant de pair avec un recul des libertés individuelles et de la vie privée.

En outre, ce sujet est aussi complexe qu’embarrassant. Il semble remettre en cause directement les décisions des Juges des Enfants. Chacun voudrait croire qu’ils savent ce qu’ils font, qu’ils ne peuvent que faire du bien auxdits enfants. Pourtant, l’intérêt supérieur de l’enfant au nom duquel statue le juge est elle aussi une notion bien arbitraire.

À qui l’enfant est-il confié ?

Il n’existe pas seulement le cas des familles d’accueil. L’enfant peut être également confié par le juge aux personnes de la liste suivante :

  • l’autre parent ;
  • un membre de la famille ;
  • un tiers digne de confiance ; 
  • ou encore, un établissement spécialisé ou un lieu de vie.

Le lieu de l’accueil de l’enfant est choisi à proximité de sa famille. Afin de faciliter le droit de visite et d’hébergement par le ou les parents et le lien avec ses éventuels frères et sœurs. Cependant, il n’est pas rare que les frères et sœurs soient placés séparément, rajoutant une dimension crève-coeur à ces placements abusifs.

Des recours compliqués, mais possibles

Edouard Durand, juge des Enfants est co-président de la CIIVISE, la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants. Il rappelle qu’avant de prendre une décision fatale, il vaut mieux toujours demander à l’enfant si quelqu’un lui a déjà fait du mal. Et le croire coûte que coûte, puisque la vérité sort toujours de leur bouche. 

Le problème majeur est qu’une fois la décision rendue par la Justice, il est très difficile d’intervenir. Dans ce cas, il faut aller voir un.e avocat.e en droit de la famille afin de constituer un dossier regroupant toutes les preuves que votre enfant ne devrait pas être placé.

La décision de placement peut tout de même être contestée devant la Cour d’appel dans un délai de quinze jours suivant la notification par les personnes suivantes :

  • le ou les parents ;
  • l’avocat ;
  • l’enfant lui-même ;
  • l’éducateur ou l’institution à qui l’enfant a été confié ;
  • le ministère public.

La situation a évolué depuis le jugement rendu et qu’il existe des éléments nouveaux permettant de justifier la modification de la décision initiale ? Il est également possible de solliciter une audience anticipée auprès du Juge des Enfants.

Des associations se battent contre les placements d’enfants abusifs 

Membre de la Ligue française des droits de l’enfant, Violette Justice est une association de promotion des droits de l’enfant. Elle lutte activement contre les placements abusifs. En accompagnant les parents dans leurs démarches avec les tribunaux et les services sociaux, elle travaille à l’amélioration du système de protection de l’enfance. L’association agit autant en poseur d’alerte sur les dossiers sensibles que comme force de proposition auprès des pouvoirs publics et des autorités judiciaires.

Les associations L’enfance au cœur et Parents en détresse souhaitent aussi rompre ce silence à tout prix. N’hésitez surtout pas à les contacter si votre situation familiale est impactée par ce lourd fléau.

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