Par Isabelle Leroy
Nous vous proposons d’aborder le sujet de la femme victime de violences qui fait verser beaucoup d’encre ces dernières années. En effet, en dépit de l’adoption par l’ONU de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le nombre de personnes touchées ne cesse de croître. En 2017, sur 87 000 femmes tuées dans le monde, 50 000 l’étaient par leur compagnon ou des membres de leur famille. En fait, les sévices subis revêtent différentes formes, comme les coups et les violences physiques, psychologiques par exemple. Bien sûr, pour lutter contre ces derniers, des actions sont menées. Mais vers quoi mènent-elles ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans ce qui suit.
Les différents maux supportés par les femmes
Comme indiqué précédemment, ils se traduisent de différentes manières, dont les violences domestiques, le harcèlement ou les agressions sexuelles. On y trouve également le mariage précoce ou forcé, les mutilations faites sur l’appareil génital féminin et le trafic d’êtres humains. Ainsi en France en 2019, une femme décédait tous les 2,8 jours des violences infligées par son conjoint. En 2018 sur 173 décès on dénombrait 146 décès de femmes. 213 000 femmes étaient victimes d’agressions physiques ou sexuelles et 800 000 d’insultes. Mais voyons les différents types de mauvais traitements subis.
La violence domestique
Il s’agit de l’exercice, ou de la tentative de mise en oeuvre, d’une violence physique, psychique ou sexuelle au sein d’une relation maritale, conjugale ou familiale, en cours ou dissoute. Elle est rendue possible parce qu’il existe un lien émotionnel entre l’auteur des actes et sa victime. Qui plus est, tout se passe au domicile, même si les personnes vivent séparément. Elle s’exerce généralement sur une durée assez longue. L’intégrité corporelle et psychique peuvent être atteintes ensemble ou seulement l’une d’entre elles. L’auteur des actes est dominant et la victime principale dominée. Pour quelles raisons parlons-nous de victime principale ? Tout simplement, parce que, dans les faits, autour de cette dernière, il existe la plupart du temps d’autres proies, comme les enfants, par exemple. Les souffrances sont telles que la cible peut à son tour se transformer en bourreau. Nous distinguons alors la violence physique, de la violence sexuelle, de la violence
psychique :
- la violence physique est souvent associée à l’image de coups pouvant entraîner la mort (étranglement, ligotage…)
- celle sexuelle comprend les pratiques non désirées ou tolérées
- les sévices psychiques concernent les menaces, la contrainte et la privation de liberté tout comme les formes de violence qui cumulées forment un acte de violence. Exemple : la discrimination, l’humiliation, les injures, faire passer la victime pour idiote ou folle, l’intimidation, le dénigrement ciblé, et les insultes, etc.
S’il est admis qu’il existe des cas de violences ponctuelles, en réaction à des désaccords, ces derniers, sauf multiplication, sont considérés comme normaux. Ce qui l’est moins des cas de contrôle contraignant systématiques. En effet, pour ces derniers on parle de relation abusive asymétrique, qui a pour but d’asservir le partenaire victime, et de limiter son auto détermination.
Le harcèlement ou l’agression sexuelle
Cette atteinte concerne 1 000 000 de femmes en France en 2014 par exemple. Le harcèlement consiste à se voir imposer de manière répétitive des propos ou comportements à connotation sexuelles. C’est aussi le fait de faire pression par tout moyen en vue d’obtenir des faveurs d’ordre sexuel.
L’agression sexuelle consiste, quant à elle, à toute atteinte sexuelle imposée avec violence, contrainte, menace ou surprise par le conjoint ou par un tiers.
Certains cas récents ont mis en exergue le cyber-harcèlement. Celui-ci inclut les menaces de viol, les injures sexistes et autre invectives par le biais de la toile. A ce titre, la divulgation d’images à caractère sexuel non consentie par la personne concernée est punie par la loi.
Les autres abominations infligées aux femmes
Parmi ces dernières, nous citerons les mariages précoces et forcés, les mutilations génitales et le trafic d’êtres humains.
Chacun de ces actes donne lieu à des mutations profondes. Quelles sont elles ?
Les conséquences des violences et les recours pour lutter
La violence domestique subie par le sexe féminin a des impacts d’ordre physique, psychique et psychosomatique sur ce dernier. Arrivent ensuite ceux qui affectent l’environnement économique des sujets.
Les effets des agressions
- Divers troubles de la santé peuvent être observés comme les troubles digestifs, alimentaires ou nerveux. Des cas de dépendances à l’alcool ou la drogue peuvent aussi apparaître. Les femmes ayant subi des sévices rencontrent davantage de problèmes de santé que celles n’en ayant pas connus.
- Nous retrouvons aussi les problèmes sociaux et financiers, liés à l’isolement induit par de telles situations. En effet, le sujet demeurant tabou, les femmes n’osent pas parler. Quand en fait elles parviennent à s’extirper des griffes de leur assaillant, elle sont en proie à des difficultés pécunières. Pour les personnes de nationalité étrangère, s’ajoute le problème lié au droit de séjour, en fonction de leur pays d’accueil. Qui plus est, les arrêts de travail pour maladie ou l’incapacité de travailler durablement, voire le chômage, ont également des conséquences financières. Ils participent aussi à davantage d’isolement.
Face à ces violences, comment réagir ? De quels outils disposent les femmes pour lutter contre ce fléau ?
Les recours pour se battre contre les insanités
Il existe les recours légaux et les recours sociétaux.
La réponse pénale
Face à ces violences, le monde a commencé à réagir. En France par exemple, le viol est devenu un crime passible de 15 à 20 ans d’emprisonnement en 1980. Il est reconnu comme tel entre conjoints 10 ans plus tard. Une loi de 1992 vient même ajouter un degré de gravité lorsque le dominant s’avère être le conjoint ou le concubin. Une autre de 2006 instaure l’éloignement du domicile du conjoint violent. Plusieurs lois se sont ainsi succédées sur la dernière décennie.
Au niveau international des élans de solidarité ont également déplacé le curseur sur le sujet du harcèlement. Cela a été le cas, lors de la 108ème conférence internationale du travail de Genève. Elle a validé l’utilisation de deux instruments dans le combat contre ce dernier dans le cadre du travail. Elle reconnaît que la violence et le harcèlement peuvent y représenter une violation des droits humains. Elle préconise dès lors la protection des salariés dans le cadre de leurs activités professionnelles.
En dépit des mesures adoptées, et nous ne pouvons toutes les citer, le nombre de victimes s’accroît. Face à cette incapacité à contenir les violences aux femmes, nous trouvons heureusement des réseaux ancrés au sein de nos sociétés.
La réponse sociétale formelle
C’est ainsi qu’en France depuis 2017, un numéro d’appel dédié, le 3919, a été mis en place. Il permet d’accompagner les femmes victimes de tels actes.
Les téléphones portables ont également été dotés d’une touche qui compose directement le numéro des secours en cas d’urgence. De fait, on a répertorié 400 interventions des forces de l’ordre en 2018 sur le territoire national.
Une plateforme de signalement sur internet a été déployée et permet de dialoguer de façon anonyme avec un policier ou un gendarme.
Dans le cadre de la pandémie liée à la COVID19 un plan d’urgence a même été mis en place pour protéger les femmes.
Mais les statistiques sont sans appel. Entre le 16 mars et le 10 mai 2020, sur la même période d’analyse, les appels pour violences conjugales ont triplé par rapport à l’année précédente. Concrètement que faire alors, lorsque nous sommes prises au piège ?
Les mesures associatives
Des collectifs se sont développés. Des associations mènent des missions à travers le monde afin de mettre à l’abri le plus rapidement possible les femmes victimes. Une fois que ces dernières ont eu le courage de livrer leur vécu, un long parcours commence.
Parmi les aides associatives on retrouve des noms comme :
- #Nous Toutes qui sensibilise par le biais de diffusion d’informations sur les réseaux sociaux
- Stop harcèlement de rue
- Collectif Tou.te.s contre les violences obstétricales et gynécologiques
- SOS Femmes (antennes locales dans bon nombre de départements du territoire français)
- CIDFF
- Avocats femmes et violences
- Le planning familial
- Collectif féministe contre le viol
- Femmes pour le dire, femmes pour agir
- Solidarité femmes (qui gère le 3919)
Plus la mobilisation est importante plus le nombre de victimes augmente. En fait celle-ci révèle des faits qui existaient déjà. Sauf que personne n’avait jamais osé les quantifier, voire même les mentionner. C’est comme si depuis des siècles, le sujet était considéré comme normal, ancré dans les moeurs. Des actes de barbarie se perpétuaient donc. Ils étaient admis entre quatre murs mais totalement exclus et hors de propos à l’extérieur. L’humanité toute entière n’a-t-elle pas cautionné ces actes ? N’est-elle pas coupable d’avoir laissé faire ? Quelles lignes bougent actuellement sur le sujet ?
Vers un monde plus respectueux de la condition féminine
En plus des mesures évoquées qui visent à détecter et accompagner les femmes profondément meurtries, des mouvements très récents se sont démarqués. Ils ont réellement permis aux femmes de s’exprimer. Ils représentent, pour certaines d’entre elles, l’électrochoc dont elles avaient besoin pour se réveiller et se battre.
Les mouvements viraux nés sur les réseaux sociaux
Le principal, celui qui a su porté les souffrances endurées par les femmes sur le devant de la scène est #MeToo. C’est un mouvement mondial. Il est né aux Etats-Unis et a débuté ses actions en 2007. Il a fait couler beaucoup d’encre en 2017 avec l’affaire Weinstein. Le New York Times accuse en effet un producteur d’avoir commis, auprès de femmes, des agressions, viols, et de leur avoir infligé des violences, dans le milieu du cinéma. Les deux Twitt d’une actrice, Alyssa Milano, auront suffi pour que les émotions remontent à la surface, et, que des victimes livrent leur témoignage centralisé sur une seule et même plateforme. Par ce geste sur les réseaux sociaux, le mouvement prend de l’ampleur. Il pointe du doigt un nombre de victimes bien plus important que ce que les statistiques avaient fait remonter jusqu’à présent. On considère que #BalanceTonPorc qui existe depuis 2018 est par exemple la variante locale française de #MeToo. Parallèlement des mouvements féministes s’emparent du sujet.
Un cap franchi par la manifestation
Suite aux dénonciations sus mentionnées, le monde a pu constaté que le mouvement avait pris tellement d’ampleur qu’il n’était plus seulement le fait de dénonciations d’actes isolés. Il devenait bien plus important que cela.
Les raisons du passage du viral au social
L’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe parle de mouvement social féminin du 21ème siècle. En effet #MeToo recense trois millions de Tweets en trois mois. Et en un an le chiffre record de 930 000 tweets est atteint sur #BalanceTonPorc. Nous sommes passés d’un mouvement viral à un mouvement social.
Ce qui explique cette transformation, c’est que ces mouvements ont perduré dans le temps et existent toujours aujourd’hui. Ce qui n’est pas le cas d’une véritable information virale, puisque celle-ci génère une manifestation du même type et est temporaire. De plus, parce que les victimes initiatrices sont des personnalités plus connues que leurs bourreaux, le phénomène a pris de l’ampleur. Mais aussi parce que les femmes ont dénoncé l’ensemble des barbaries supportées.
Ce sont donc trois facteurs réunis qui confèrent à ce mouvement son caractère social. Et les conséquences sont tout autres.
Les impacts du mouvement #MeToo sur notre société
Le mouvement pourrait avoir l’effet inverse.
La critique du mouvement
Twitter, qui a permis des dénonciations, est aussi décrié. Il est accusé d’avoir toléré la mise en ligne de discours haineux par exemple. Les hashtags ont pour certains été détournés de leur but premier et ont fait la risée des medias.
Et puis le risque d’une rétrogradation plane. Les acquis féminins demeurent fragiles et l’ont toujours été. L’ethnologue et féministe Françoise Héritier avait mis en avant le fait que ce type de manifestation porterait ses fruits, à condition que le voile soit entièrement levé sur le sujet du rapport entre les sexes.
Le sujet de fond est effectivement la place de la femme dans nos sociétés et le rapport entre les sexes.
Un contrôle masculin réversible
Une domination masculine existe depuis la création du monde. Cette dernière apparaît liée au désir irrépressible masculin. Est-ce à dire que quoique nous fassions, en tant que femmes, nous sommes condamnées à la confrontation à de violentes agressions ?
Pas forcément. Les idées font leur chemin mais le chantier demeure colossal avant que de pouvoir enregistrer de réelles modifications de comportements. Seule la continuité des actions entamées, l’appui d’associations et de personnalités connues permettront de modifier en profondeur les mentalités et agissements de chacun.
Alors si comme nous vous pensez devoir apporter votre pierre à l’édifice, contactez les associations citées dans cet article ou créez votre mouvement. Peu importe, tant que vous véhiculez des idées pour changer la donne. Pourvu qu’elles soient respectueuses des libertés de chacun. Au fond c’est la liberté des femmes comme celles des hommes, sur un même pied d’égalité, qui doit nous habiter.